en sortant du camion, 2017
en sortant du camion, 2017
 
Note d’intention 
Ce film est né de mes rencontres avec les enfants Roms, qui ont été mes élèves lorsque j’étais enseignante de 2005 jusque 2016. Je conduisais une antenne scolaire mobile sur tout le département de la Seine-Saint-Denis, alternativement auprès d’enfants venus de Roumanie et d’enfants voyageurs français, dits « manouches » sur des terrains précaires et provisoires. Mes cours se déroulaient dans un camion-école. 
Avec un acteur et metteur en scène napolitain, nous avons monté deux pièces de théâtre en 2005 et 2006 avec 10 de mes élèves Roms que nous avons jouées à Pantin au Théâtre du fil de l’eau, soutenus par la mairie et l’action culturelle et sociale. Il fallait être un peu fou pour monter ces mises en scène mais ce fût un véritable succès. 
Mes élèves m’ont marqué par leur réactivité, leur spontanéité et leur force à toute épreuve, ancrés dans un temps présent que nous oublions de vivre et de ressentir à cause de nos préoccupations. Eux, ils l’habitent. Je garde d'eux une image vivante, pleine d'espoir, de joie, comparé à moi, qui ne vivait à l’époque pas 1/3 de leurs incertitudes et de leur précarité et qui était remplie d’angoisses personnelles. 
Avec ce film, je souhaite laisser une trace en puisant dans ces liens forts que j’ai eu la chance de tisser avec eux, les discussions avec leurs parents, les relations privilégiées avec ces enfants durant 10 années de ma vie.  
Ce film n’est pas juste un témoignage. En effet, si je souhaite incarner le personnage d’Angèle, j’ai avant tout le désir de dépasser, transcender mes expériences vécues, de me mettre en danger. 
C’est un film qui s’articule autour de la personnalité d’Angèle et s’ancre au milieu d’une population refoulée aux abords de nos villes, dans des conditions insalubres, à savoir les roms. S’engager à enseigner, à transmettre dans des conditions souvent déplorables ébranle profondément les acteurs sociaux qui doivent trouver chaque jour la force de remettre le bleu de chauffe, imaginer de nouvelles solutions.  
Très vite le désir d’investir cinématographiquement ces territoires et ces populations, d’en faire un film qui s’attache à dépasser la dureté de leur quotidien sans rien nier des difficultés auxquelles ils sont confrontés à constituer le socle du travail d’écriture. 
Angèle incarne une femme en pleine crise de sens professionnel et intime. La routine, la misère, la violence, la lassitude l’ont usée autant qu’elles lui ont fait perdre la volonté d’imaginer une autre manière de transmettre. 
Or c’est à cet endroit précis qu’elle va ressaisir le pouvoir de son engagement et par ricochet celui de sa propre vie, en décalant son regard sur le monde grâce à la force et le courage des habitants du terrain et à Bobo qui va l’aider avec le spectacle. 
Angèle trouve l’énergie de s’engager dans ce projet pédagogique qu’on lui impose alors qu’elle vient d’annoncer sa demission.  Il s’agit de sauver l’ecole, et par là-même « sauver » ces enfants.
Bobo - comme tous les élèves dont elle a la charge - incarne à la fois la lueur d’espoir comme la tragédie quotidienne dans laquelle ces enfants (comme les adultes) sont enfermés. 
Angèle noue une relation qui va subtilement dépasser celle d’une simple relation élève/professeur intenable en réalité dans le contexte dans lequel elle travaille. 
La réalité du terrain amène Angèle à « décaler » ses difficultés personnelles et professionnelles à laquelle elle fait face et à comprendre l’importance de monter cette pièce, pour Bobo et les enfants.
Mon choix est celui de ne pas enfermer le récit dans une simple description naturaliste. Empruntant par touches à la comédie, je m’autorise quelques pas de coté avec des séquences où Angèle craque, et en devient drôle.
C’est à mes yeux une manière d’être en écho avec ces jeunes élèves qui trouvent les moyens de s’émerveiller, d’apprendre, de jouer, et de rebondir.
Le théâtre est ainsi l’occasion d’associer au film une fantaisie propre à celles de l’enfance. Moyen pour nous de dépasser l’image « négative » que peuvent susciter cette population - et de sortir d’un misérabilisme convenu, trop réducteur.  
En effet, la dernière séquence, rappelle tout à la fois la réalité violente de leur mode de vie dont sont victimes les habitants des bidonvilles comme des « tempêtes ».
Pour autant, une utopie, un rêve se réalise et comme un vœu qui s’exauce sous nos yeux, Angèle voit son spectacle : Bobo, par la force exécutoire de son interprétation donne sens à tous les efforts consentis, ceux des élèves, et celui du choix de vie d’Angèle. 
Ils sauvent cette école. 
La jeune femme et Bobo nous rappellent toute leur détermination pour continuer à se tenir debout. Envers et contre tout.  
C’est une réalité violente, constellée de touches d’humour, et d’espoirs, qui se déploie dans le constat d’une perte d’espoir d’un monde à réinventer.
La misère, la destruction, la pluie et la tempête, puis l’art qui arrive et est porteur de ce reste d’humanité palpitant, et qui décale notre regard sur le monde.
Note de mise en scène 
Le récit se déploie sur un territoire où plane l’ombre de précarité. A partir du constat de cette misère sociale et affective, je m’attacherai à mettre en exergue la puissance des émotions qui habitent les personnages, l’authentique poésie qui se dégage de certaines situations et qui transcende le déterminisme social.  
Tout le travail de mise en scène, porté par un récit alternant drame, situation comique ou ton décalé, cherchera à mettre en exergue les micro-drames qui jalonnent l’histoire, la crises interne d’Angèle jusqu’à la séquence finale.  
Pour y parvenir, je souhaite m’appuyer sur des partis-pris esthétiques forts. 
Ainsi, par exemple je filmerai en longue focale les intérieurs. L’étrange proximité du décor du camion école, des cabanes qui en découlera, marquera le poids qui pèse sur les épaules des protagonistes. Par opposition, dans le décor extérieur du camp, j’ utiliserai la courte focale. En effet, en donnant à cet espace toute sa dimension, j’ y intégrerai avec simplicité la bande d’enfants comme perdue au milieu des gravats, des habitations insalubres.  
Suivant ce souci d’accompagner par le cadre, la profondeur de champ la mécanique intime de nos personnages, je m’efforcerai de travailler avec un éclairage épuré lors des séquences de nuit ou d’intérieur. Des lumières chaudes, une composition simple des ombres, suggéreront par petites touches la tension qui anime nos héros.  
La réalisation, structurée autour d’une interprétation à la fois précise et spontanée, alternera avec des prises de vue sur pied aux cadres composés et d’autres proches des visages, plus nerveux afin d’être au plus près de l’action et des émotions.  
Et pour le jeu d’acteur des jeunes enfants nous profiterons de mon expérience acquise car j’ai eu l’occasion de faire tourner mes élèves dans de petits films en les accompagnant du début (le casting), au tournage (répétitions et coaching), jusqu’à la fin du film (projection). 
J’ai participé au casting de Loin de chez nous, et Engrenages, mais aussi Place des victoires (Piti, un de mes élèves joue le 1er rôle), et Les chiens aboient.
 J’ai l’habitude de diriger ces apprentis comédiens, de leur donner des intentions de jeu et d’interagir avec eux. Depuis juin 2024, j’interviens avec Stephanie Giner sur un squat à Marseille pour apprendre à une dizaine d’enfants à jouer la comédie et appréhender la caméra, nous interviendrons toute l’année sur le terrain, grâce à l’aide de la mairie de Marseille.